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Origine de la légende du sacrilège de Cambron

 

Source : Mr Gérard WAELPUT -  www.waelput.net 

Le récit de ce sacrilège est connu par une lettre du 27 mai 1327, écrite un an après les faits par Nicolas Delhove, abbé de Cambron, qui prie tous les évêques et les prélats de bien vouloir accorder des indulgences aux personnes qui visiteront la chapelle de la Vierge, dans le monastère de Cambron. 

 

 

Résumé de la légende du sacrilège de Cambron

 

Source : Mr Gérard WAELPUT -  www.waelput.net 

 

En avril 1326, Guillaume, un juif converti, est accueilli dans la salle des hôtes de l’abbaye de Cambron. Il est bien vu des autorités puisque le comte de Hainaut, Guillaume Ier a accepté d’être son parrain et de lui donner son nom. Sur le mur de la salle existe une peinture de la Vierge tracée à l’aide de simples traits. A la vue de ce portrait, Guillaume transperce de sa lance, par cinq fois, l’image sainte. C’est en tout cas l’accusation portée contre lui ; mais il nie farouchement. Sans preuve bien établie, Guillaume n’est pas inquiété jusqu'à ce qu’un ange, puis la Vierge apparaissent à Jean Flamens, un forgeron d’Estinnes . Celui-ci provoque le  converti en duel qui tourne à l’avantage du forgeron. Condamné au supplice du feu, Guillaume avoue son méfait avant de mourir.

 

 

Le récit détaillé de la légende du sacrilège de Cambron par Théophile LEJEUNE dans le 16ème tome des annales du cercle archéologique de Mons en 1866 

  

Source : édition originale des annales du cercle archéologique de Mons - XVI tome - 1866

Philippe le Bel en 1306 et Philippe le Long en 1321 expulsèrent de leurs États les Juifs, qui cherchèrent ailleurs un asile et des moyens d'existence. Un certain nombre de familles vinrent se réfugier dans les villes du comté de Hainaut. A Mons, le comte Guillaume d'Avesnes, dit le Bon, leur accorda l'hospitalité dans un quartier spécial, mais « à telle charge qu'en leur congrégation ils seroient contraints d'appeller quatre chrestiens pour y estre présents et voyeroient ce qui se passeroit. » Cette mesure produisit d'excellents effets, puisque pendant plus de dix ans que ces inspecteurs surveillèrent les Juifs, ils n'eurent à signaler aucun acte répréhensible, Les Juifs établis à Mons se livraient paisiblement à l'exercice du culte hébraïque. Peu d'entre eux abjurèrent leur foi antique pour embrasser la religion chrétienne. L'histoire en mentionne un seul qui abjura le judaïsme. Sa conversion au christianisme, faite sans sincérité et par motif d'intérêt personnel, eut de terribles conséquences. Le récit plus ou moins détaillé de ces faits se trouve dans beaucoup d'ouvrages d'après lesquels nous allons en rapporter les principales particularités.

 

Un Juif, dont les historiens taisent le nom primitif, demanda à être chrétien. Il fut admis chez un prêtre catholique qui l'instruisit des mystères de la foi, et, quand il eut acquis des connaissances suffisantes, on lui conféra la grâce du baptême. La cérémonie eut lieu dans l'église de Sainte-Waudru, en présence du comte de Hainaut, de sa cour et du peuple accouru en foule de tous les points de la ville de Mons. Placé sur une estrade, le Juif renonça librement  à sa religion, fit une profession de foi chrétienne et déclara qu'il était prêt à la soutenir au péril même de sa vie. Ce serment fut accueilli par les applaudissements  et  les cris de joie de toute la multitude. Alors, il fut vêtu de blanc et s'avança vers les fonts baptismaux; il y fut tenu par le comte Guillaume le Bon lui-même, qui lui donna son nom.

 

Le sort du Juif Guillaume avait toujours été des plus déplorables ; sa conversion n'améliora pas son existence; bien plus, il se vit abandonné des siens et il tomba dans une extrême indigence. Dans sa détresse, il implora la protection de la comtesse Jeanne de Valois, épouse de Guillaume le Bon; elle le prit à son service, et bientôt après, le comte de Hainaut, son parrain, le promut à la charge de sergent ou d'huissier de la cour de Mons .

 

Malheureusement, le Juif Guillaume ne tarda pas à fournir la preuve du peu de sincérité qu'il avait mis dans sa conversion au christianisme. Les devoirs de son office de sergent l'appelaient souvent à Ath ; et, comme il passait à Cambron pour se rendre dans cette ville, il avait pris l'habitude de s'arrêter à l'abbaye pour s'y reposer. Un jour de l'année 1322, qu'il allait remplir un devoir de sa charge à Hérimelz, dépendance de la ville de Chièvres, il entra comme de coutume au monastère de Cambron où il fut introduit dans le quartier des étrangers. Dans une salle voisine, où il pénétra par curiosité, se trouvait une peinture murale représentant l'Adoration des Mages. A la vue de l'image de la sainte Vierge, ce misérable devint furieux et proféra contre elle les propos les plus injurieux. Bientôt il rentra dans sa chambre à coucher et se jeta sur son lit pour s'y reposer, mais il passa la nuit dans une grande agitation. Le matin, sa rage redoubla et il résolut de tirer vengeance de ce que la Mère de Dieu, disait-il , avait interrompu son sommeil ; il vomit de nouveau mille injures, mille blasphèmes contre la plus pure des Vierges. Sa fureur allant toujours croissant, il saisit sa pique et perça la peinture de cinq coups dont trois à la face et deux à la gorge de l'image de la sainte Vierge. « A l'instant même, disent les auteurs de l’ Histoire admirable de Notre-Dame de Cambron, cette image vénérée donna du sang, ce qui effraya tellement le Juif, que, se trouvant hors de lui-même, à la vue de cette merveille, il fit du bruit à épouvanter tous les environs. » Un frère convers, Jean Mandidier qui travaillait de l'état de charpentier dans la cour voisine, accourut aussitôt, et il fut témoin de ce sacrilège . Armé de sa hache, il s'élance sur le sergent pour lui fendre la tête ; mais un autre religieux, Mathieu de Lobbes, survient à l'instant, retient le bras de son frère, et lui représente qu'il vaut mieux instruire l'abbé de l'outrage fait à la Mère de Dieu, attendu que lui seul a droit de justice dans l'abbaye,

 

Le bruit de la profanation et du prodige qui venait d'avoir lieu se répandit bientôt dans toute la maison; l'abbé Nicolas de Herchies et la plupart des religieux arrivèrent en toute hâte et prirent connaissance des faits. Pendant qu'ils délibéraient entre eux sur ce qu'ils devaient faire, le coupable se déroba à leurs yeux et parvint à s'échapper.

 

Alors l'abbé de Cambron s'empressa d'informer le comte de Hainaut de cet événement extraordinaire. Ce souverain refusa de requérir la justice seigneuriale avant d'avoir obtenu l'avis du pape Jean XXII, qui résidait à Avignon. Les deux premiers témoins, le charpentier et son compagnon, furent députés vers le Souverain-Pontife pour lui donner les détails du sacrilège. Ils rapportèrent à Guillaume le Bon les lettres du pape qui l'exhortaient à punir le coupable. A la demande de Nicolas de Herchies, celui-ci fut incarcéré. Interrogé par le grand bailli de Hainaut, Robert de Manchicourt, le prévenu protesta de son innocence, malgré le témoignage accablant de Jean de Mandidier. On ordonna de l'appliquer à la question. C'est inutilement qu'il fut torturé, car au milieu de cruelles souffrances, il persista à nier les faits qu'on lui imputait; et, comme l'accusation n'était soutenue que par un seul témoin, il n'y fut pas donné de suite, conformément à la loi criminelle qui exigeait l'aveu du prévenu pour compléter la preuve. Le juif fut donc relâché et rétabli dans ses fonctions.

 

Mais la justice divine ne devait pas laisser impuni l'outrage qu'avait reçu la sainte Vierge â l'abbaye de Cambron. En 1326, quatre ans après l'événement, le Ciel suscita un vieillard octogénaire pour venger l'injure faite à la Mère du Christ. Sur les bords du ruisseau qui baigne les villages des Estinnes, s'élevait, à l'extrémité d'un clos, une humble chaumière habitée par un maréchal ferrant, nommé Jean le Flameng, dit le Febvre. Cet homme était paralytique et gardait son lit depuis sept ans. Dieu lui envoya un ange qui lui apparut à deux reprises différentes pendant la nuit et lui ordonna d'aller à Cambron voir l'image de la sainte Vierge outragée et de s'offrir ensuite à être le champion de Marie dans la lice. Le vieillard croyant que tout cela n'était qu'un songe, ne se pressa nullement d'exécuter l'ordre qu'il avait reçu. Néanmoins, il consulta son curé sur ce qu'il devait faire; celui-ci lui conseilla d'attendre du Ciel un troisième commandement. Le paralytique ne tarda pas à le recevoir. La nuit suivante, la sainte Vierge elle-même se montra au vieillard, couverte de cinq plaies et aussi de sang. Elle lui dit : «  Jean, mon amy, lève toi ; tu es guéry et sans délay va-t'en à l'abbaye de Cambron, et là voiras mon image cruellement navrée d'un fenéant Juif, comme présentement tu vois en moy, et de là tost après iras en la ville de Mons, où commanderas que le Juif soit recherché et le combat tenras, car il faut que par loy la justice divine soit accomplie.«   A ces paroles de Marie, Jean le Flameng se leva avec transport; il avait oublié entièrement ses infirmités. Ceci se passait en 1326, quatre ans après la mise en liberté du sergent Guillaume. Dès que le jour fut venu , le vieillard n'hésita pas à se mettre en route, au grand étonnement de ses voisins. Arrivé à l'abbaye de Cambron, il y fut accueilli avec bienveillance par l'abbé Nicolas de Hoves, successeur de Nicolas de Herchies. Son premier soin fut de remercier la Sainte Vierge de ce qu'elle l'avait choisi pour venger l'outrage qui lui avait été fait. Prosterné la face contre terre, il protesta qu'il était prêt à combattre l'auteur du sacrilège et à faire le sacrifice de sa vie pour celle dont la puissante protection lui avait évité une mort certaine; car, dit la chronique, ayant un jour été asphyxié dans l'eau, il échappa à ce péril imminent par le secours de Marie que ses parents s'étaient empressés d'invoquer.

 

De Cambron, le Flameng se rendit à Mons pour solliciter du comte de Hainaut la permission de combattre le Juif en champ clos. Au moyen âge, dit un auteur, quand la force des armes réglait toutes les affaires, lorsque la valeur guerrière était la vertu par excellence, on supposait que le bon droit était du côté du plus brave et du plus heureux ; la lâcheté et la faiblesse étaient des signes certains d'une mauvaise conscience. On croyait d'ailleurs que Dieu, essentiellement juste, ne pouvait donner la victoire ni au coupable parjure, ni à l'accusateur inique ; de sorte que l'issue du combat était regardée comme le jugement de Dieu.

 

Lorsque le vieillard des Estinnes arriva à Mons pour rechercher son adversaire, le comte Guillaume se trouvait dans ses États de Hollande. Le grand bailli de Hainaut reçut Jean le Flameng, qui raconta les détails de l'apparition dont il avait été témoin. Une confrontation eut lieu entre le Juif et le champion de la sainte Vierge, et malgré toutes les instances de Robert de Manchicourt, le sergent Guillaume persista dans ses dénégations. Alors le Flameng lui dit: « 0 traître, viens çà; toi qui as eu l'infamie d'insulter l'image de la Mère de Dieu, viens dans la lice, et je ferai connaître ton sacrilège au peuple, comme un miroir le mettrait en lumière » L'enfant d'Israël, qui avait une taille de géant et qui était d'une force peu commune, méprisa la provocation qui lui était faite. Aussitôt le vieillard, qui ne pouvait plus se contenir, jeta à terre son gant . Le Juif le releva rapidement, et donna un soufflet à son provocateur; celui-ci endura cet affront avec patience.

 

Cependant le grand bailli, voulant comprimer l'ardeur du vieillard, lui dit: « Écoute Jean, modère-toi; prends du sergent or et argent, j'y consens. » Le Flameng répondit: « Dieu m'en garde! Monseigneur, je garderai ma foi ; fi d'or et d'argent, champ de bataille sans tarder.» Robert de Manchicourt, voyant qu'il ne parviendrait pas à vaincre l'opiniâtreté du vieillard, assembla son conseil : une sentence de la haute justice du comté de Hlainaut autorisa le recours au jugement de Dieu ; néanmoins le duel judiciaire fut différé jusqu'au retour du souverain. Durant cet intervalle, le Juif fut incarcéré dans l'une des prisons du château de Mons.

 

Lorsque le comte fut de retour, il désigna lui-même l'endroit du combat : c'était un pré contigu à son parc, sous le rempart de la porte de ce nom, à Mons. Les deux champions, avertis du jour de la lutte fixé au mardi 8 avril 1326, s'y préparèrent chacun de son côté d'une manière bien différente : le vieillard par la prière; et le Juif par l'emploi d'onguents sur son corps afin de se rendre plus agile,

 

A l'heure indiquée pour le combat, le comte de Hainaut parut avec toute la noblesse. Une foule immense attirée par la nouveauté du spectacle, entourait l'arène qui était fermée de tous côtés pour empêcher toute intervention entre les combattants , et pour rendre impossible la fuite de l'un et de l'autre. Bientôt les deux champions entrèrent en lice, armés chacun d'un bâton et d'un bouclier, les nobles pouvant seuls, à cette époque, se servir de l'épée. Le vieillard des Estinnes s'était revêtu d'un sayon blanc parsemé de croix rouges; le Juif s'était affublé du costume des gens de sa nation, et avait garni son bouclier de clochettes pour se moquer de son adversaire. Au moment où le Juif entra dans l'arène, un chien noir le suivait; «  il faut croire que ce fut le diable, dit l'annaliste Vinchant , car en y arrivant le vieillard, comme il se fut signé de la croix, prenant eau bénite et priant dévotement, soudain le chien s'esvanouit et ne sceut ce qu'il devint *. »

 

Au signal donné par le grand bailli, le combat commença . Le vieillard porta le premier coup si adroitement, qu'il fit sauter au loin le bâton des mains de son adversaire; un second coup déchargé avec violence le renversa et sa mort paraissait inévitable quand le comte de Hainaut ordonna de sonner la retraite. La cause était décidée, le sacrilège avéré. On s'empara du coupable qui fut enfermé dans une étroite prison, jusqu'à ce qu'on eut statué sur son sort. Le souverain ordonna qu'on dressât une potence sur le rempart du parc, vis-à-vis le lieu de la lutte. Le Juif y fut traîné à la queue d'un cheval, puis il fut pendu par les pieds; et tandis qu'un bûcher allumé sous son corps le consumait, deux chiens affamés déchirèrent ses entrailles. Ces affreux supplices étaient ceux qu'on faisait endurer autrefois aux sacrilèges et aux serfs ou esclaves; on pendait les vilains, on brûlait les impies. On sait que les Juifs étaient réputés serfs de l'Église et serfs temporels tout à la fois, comme déicides et comme privés des libertés civiles.

 

Après le combat, le vieillard vint à la chapelle de Saint-Pierre, située près de l'église de Sainte-Waudru; il y fit son action de grâces, et fut ensuite reçu par le comte de Hainaut et par ses officiers.

 

Guillaume le Bon fit, nu-pieds, le pèlerinage de Cambron, où s'était aussi rendu Jean le Febvre pour remercier la sainte Vierge de la victoire qu'il avait remportée sur le Juif sacrilège. Il  y laissa comme souvenir le bâton et le bouclier dont il s'était servi pour la lutte.

 

D'après la liturgie catholique, on fait amende honorable aux Saints dont les images ont été profanées. En vertu de cette règle, l'abbé de Cambron, Nicolas de Hoves, sur la proposition du prieur de cette maison religieuse, nommé Ive, résolut d'ériger un autel à la Vierge du monastère. Il chargea ensuite le vieillard des Estinnes d'aller à Avignon pour raconter au pape les circonstances du duel judiciaire et solliciter des indulgences pour les fidèles qui visiteraient Notre-Dame de Cambron, dont, mieux que tout autre, il connaissait le pouvoir auprès de Dieu. Jean le Febvre s'acquitta de sa mission avec succès. A son retour aux Estinnes, les habitants le reçurent avec des démonstrations de joie; il fut résolu que, chaque année, un pèlerinage aurait lieu, et qu'on se rendrait régulièrement à l'abbaye de Cambron, en passant par la chapelle érigée au lieu du champ-clos à Mons, le troisième dimanche après Pâques, époque à laquelle les religieux faisaient une procession commémorative du combat judiciaire du 8 avril 1326. Les moines faisaient un bon accueil aux villageois des Estinnes, et ils les hébergeaient. Ce voyage pieux eut lieu jusqu'à la Révolution française; les vieillards de l'endroit en ont conservé le souvenir. Les pèlerins se faisaient accompagner d'un valet ou bedeau grotesquement costumé , qu'on nommait le sot de Cambron. Un autre personnage, vêtu d'un habit blanc parsemé de croix rouges, figurait Jean Ie Flameng, le vainqueur du Juif sacrilège.

 

 

 

Le sacrilège de Cambron évolue 

 

Source : Mr Gérard WAELPUT -  www.waelput.net 

  

Le récit de ce sacrilège est connu par une lettre du 27 mai 1327, écrite un an après les faits par Nicolas Delhove, abbé de Cambron, qui prie tous les évêques et les prélats de bien vouloir accorder des indulgences aux personnes qui visiteront la chapelle de la Vierge, dans le monastère de Cambron. La littérature s’est emparée du sacrilège. Le récit primitif a été enjolivé par les poètes, les troubadours, les chroniqueurs et les dramaturges pour accroître l’intérêt des lecteurs et des spectateurs, dans le Hainaut mais aussi dans les provinces avoisinantes. Nous en rappellerons ici les grandes lignes. Au XIVe siècle, déjà, le sacrilège se retrouve dans plusieurs ouvrages. L’annaliste Guillelmus Procurator rapporte avec fidélité, quelques années seulement après le drame, le récit contenu dans la lettre de l’abbé Nicolas Delhove. Quelques années plus tard, en 1346, Johannes de Beka publie à Utrecht une chronique dans laquelle il raconte  l’histoire des évêques de la ville et des comtes de Hollande (qui sont également comtes de Hainaut).Il parle du sacrilège en ces termes :  (Guillaume) « vit une belle peinture de la Vierge qu’il frappa de sa lance... mais un ruisseau de sang commença à couler de la cicatrice de la blessure ». L’élément miraculeux intervient donc dès le XIVe siècle ; signalons, néanmoins, qu’en dehors du sang (très abondant), le récit est assez sobre et proche du précédent. Enfin, deux récits anonymes (l’un en prose, l’autre en vers), du milieu du siècle, dont nous ne conservons que quelques passages, grâce à Le Waitte, font déjà apparaître les gouttes de sang sortant des blessures de la Vierge et de nombreux détails sur le duel. Au siècle suivant, Jacques Lessabée donne, en 1534,  un récit assez sobre (allusions au sang et au duel), en insistant sur le rôle déterminant de la Providence. Par contre, dans sa Chronique d’Hirsauge, Jean Trithème répète le récit de Béka ; mais il amplifie les écoulements du sang  « qui couvrit abondamment le pavement de l’autel » et il ajoute un dialogue entre la Vierge et Jean Flamens (qualifié pour la première fois de forgeron), pour savoir s’il doit aller tuer Guillaume. Au début du XVIIe siècle, Robert Procurateur, dit de Hautport, publie  un opuscule où apparaissent deux éléments donnant encore plus de pittoresque au récit : la torture de Guillaume après ses coups de lance (... la torture quelque dure qu’elle fust ne sçeut rien arracher de la bouche de ce malheureus... ) et la description de Jean Flamens comme un vieillard paralytique :  « Quatre ans après, l’ange s’apparoissant à un certain vieillard natif des Estinnes nommé Jean Flamand dit le Febure, qui par l’espace de sept ans estoit paralyticque» 

Quelques années plus tard, Walrand Caould répète les mêmes exagérations qui pimentent l’histoire de Guillaume le juif. Le théâtre aussi s’est emparé du sujet. En 1639, Philippe Brasseur donne une pièce en vers composée de cinq cent trente-six  hexamètres et le poète hutois Denis Coppée (1580-1632) a  écrit  un drame en vers et en cinq actes, publié après sa mort. Enfin, rappelons l’œuvre d’Antoine Le Waitte qui a réalisé une synthèse peu critique des écrits relatifs au sacrilège, mais qui a eu le mérite de citer les lettres contemporaines du drame, permettant de connaître l’histoire du  sacrilège  sans ses exagérations poétiques. Au siècle des lumières, le souvenir de cet événement s’estompe. Delewarde,  De Boussu et l’abbé Hossart n’y consacrent plus que quelques lignes qui constituent des répétitions sans valeur. Nous devons, cependant, signaler un livret de septante pages de la confrérie montoise de Notre-Dame de Cambron dont la préface est ornée d’une vignette.

 

 

Le personnage de Guillaume

   

Source : Mr Gérard WAELPUT -  www.waelput.net 

 

Venons-en maintenant à Guillaume (Willemet, Willame) le juif,  héros  du drame. Ce personnage, très présent dans les documents (1310-1329), est le seul juif  signalé à Mons lors de la première et de la deuxième  vagues d’immigration. Mais la première mention est déjà caractéristique : on retrouve Guillaume dans les comptes du Chapitre de Sainte-Waudru. Nous pensons donc qu’il est arrivé à Mons entre 1308 et 1310 et qu’il s’est rapidement converti. Flatté de cette conversion, le comte a accepté d’être son parrain et de lui donner son nom. Absent des documents en 1312, il réapparaît l’année suivante pour ne plus les quitter jusqu’en 1323. D’après les comptes de la ville, Guillaume semble bien être agent communal, ce qui pourrait effectivement expliquer sa présence à Cambron, alors qu’il est en mission officielle. Par ailleurs, dans les rôles de bourgeoisie, on apprend qu’il habite, sans discontinuité, le quartier de la rue d’Havré. En réalité, Guillaume le juif est absent du rôle de 1320. Cette absence nous a semblé curieuse, puisqu’il est présent dans les trois rôles qui précèdent  le document de 1320 et qui lui succèdent. En observant attentivement ce dernier, nous nous sommes aperçus qu’un certain Guillaume le Chrétien habite rue d’Havré. Peut-il s’agir du même personnage ? Nous savons que le percepteur suivait l’ordre des maisons de la rue pour encaisser les impôts. Or Guillaume le Chrétien a les mêmes voisins que Guillaume le juif et il est situé au même endroit dans la rue. Il s’agit donc d’un seul et même personnage. Ce petit détail a son importance car il confirme, d’une manière tout à fait indépendante, la conversion de Guillaume. Après 1323, Guillaume brille par son absence et ce, jusqu’en 1329. A cette date, un chirographe mentionne la vente de sa maison et le rôle de bourgeoisie cite  la femme de Guillaume comme habitante du quartier de la rue de Nimy. Ces deux documents confirment parfaitement ce que nous savons de l’histoire du héros  de Cambron. Le duel et la mort du converti datent de 1326 : sa maison du quartier d’Havré est mise en vente trois ans plus tard et sa veuve paie désormais la taxe pour figurer parmi les bourgeois  de la ville. Les documents contenus dans les archives montoises confirment donc, en tous points, les sources contemporaines du sacrilège  de Cambron. Ils permettent de suivre la carrière de  Guillaume à partir de 1310 et de lui donner une dimension plus concrète et plus humaine.









sceau nd de cambron














medaillon sacrilege cambron











sceau des estinnes

Source : revue de l'art chrétien

Par L'ABBE J. CORBLET




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